Think Tank - benoit Hamon

Publié le par Marie-José RAYMOND-ROSSI

LA FORGE   

Un « THINK TANK » INDÉPENDANT POUR RÉINVENTER LA GAUCHE à l’initiative de Benoît HAMON

 

Partant du constat de l’échec électoral de la gauche notamment aux présidentielles de 2002 et 2007, de son éloignement progressif des classes populaires, et enfin son échec idéologique, Benoît Hamon a lancé un « THINK TANK » pour réinventer la gauche.

 

« Après son double échec aux élections présidentielles puis législatives, la gauche est entrée dans ce moment identifié par Gramsci comme le point critique d’une crise : le vieux est maintenant mort et le neuf hésite toujours à naître. L’élection présidentielle a achevé un cycle dans le désordre intellectuel, la confusion idéologique, le morcellement sociologique et la division partisane. La gauche serait soudain devenue le parti de l’ordre ancien, quand la droite arrivait à convaincre nombre d’électeurs qu’elle incarnait le camp du mouvement. »

 

Nous sommes issus des mondes universitaire, syndical, intellectuel, économique, administratif ou politique, nous appartenons à la gauche. Nous voulons élaborer un nouvel intellectuel collectif. Aujourd’hui, nous créons « La Forge », une ressource et un arsenal mis au service d’un camp, la gauche.

Après son double échec aux élections présidentielles puis législatives, la gauche est entrée dans ce moment identifié par Gramsci comme le point critique d’une crise : le vieux est maintenant mort et le neuf hésite toujours à naître. L’élection présidentielle a achevé un cycle dans le désordre intellectuel, la confusion idéologique, le morcellement sociologique et la division partisane. La gauche serait soudain devenue le parti de l’ordre ancien, quand la droite arrivait à convaincre nombre d’électeurs qu’elle incarnait le camp du mouvement.

C’est à une grande transhumance idéologique que nous avons assisté lors de la campagne présidentielle. Cette migration vers la droite d’une gauche en perte de repères, est illustrée par la colonisation de nos discours par des valeurs et des références puisées dans le patrimoine intellectuel traditionnel des conservateurs. Par soumission à l’air du temps, par abandon d’une réflexion qui aille au-delà des seules apparences ou des fausses évidences, la gauche a en effet défendu la compétition individuelle et la restauration de la « valeur travail » au lieu de l’augmentation du pouvoir d’achat ou encore un curieux échange « effort contre progrès social » plutôt que la conquête de nouveaux droits…

 

Ce consensus entre droite et gauche, ce diagnostic politique « partagé » des maux de la société française, résume la défaite culturelle de la gauche. La gauche a d’ores et déjà perdu l’élection de 2012 si elle esquive la clarification de son projet, si elle échoue à expliquer pourquoi cette vision de la France et de ses difficultés est erronée et si elle rate son rassemblement.

 

La Gauche perd la bataille culturelle, y compris dans les classes sociales les plus modestes.

 

L’observation de la demande sociale montre pourtant l’aggravation des inégalités et la conscience d’une paupérisation croissante. L’opinion fait encore, sans aucun doute, confiance à la gauche pour résoudre ses difficultés de logement, de pouvoir d’achat ou de santé, tout ce qui concerne sa « protection ». Constatons cependant la popularité du slogan « travailler plus pour gagner plus » qui s’explique par la faiblesse du pouvoir d’achat, l’intériorisation de l’arbitrage entre salaire et emploi à l’heure de la mondialisation et la dénonciation récurrente des populations les plus précaires maintenant qualifiées de « parasites » vivant de « l’assistanat ».

 

La gauche risque de devenir et pour longtemps, culturellement minoritaire. Et ce, tant que les solutions qu’elle propose pour faire vivre les valeurs qu’elle incarne seront jugées moins efficaces que celles de la droite pour répondre aux difficultés quotidiennes de ceux qu’elle veut représenter en priorité : ceux qui dépendent pour vivre du revenu de leur travail. Cette réalité est la conséquence d’un processus économique néolibéral, social et culturel, qui s’est d’autant plus facilement imposé que la social-démocratie s’est avérée incapable de repenser ses modèles, créant ainsi une situation inédite où les travailleurs ont connu l’infortune du plaignant qui se retrouve dans la situation de l’accusé.

 

Pour commencer il s’agit donc pour nous de comprendre ce qui s’est passé et se déroule encore sous nos yeux.

 

Les mutations du capitalisme de la fin des années 70, les changements géopolitiques majeurs de l’après-guerre froide, le triomphe « historique » du modèle démocratie libérale/économie de marché, ont brisé le fragile rapport de forces social qui existait dans les pays développés. La formidable revanche des détenteurs de capitaux contre l’Etat social se traduit par l’accaparement, à leur seul profit, de la progression de la valeur ajoutée qui autrefois revenait au travail et par un déséquilibre croissant dans la répartition des richesses. L’abandon de tout volontarisme macro-économique, la libéralisation des marchés financiers comme l’entrée dans la division internationale du travail de la Chine et de l’Inde accentuent ce partage toujours plus injuste entre le capital et le travail. La destruction accélérée de l’environnement en est l’ultime alarme.

 

Ce renforcement considérable du pouvoir du capital a des conséquences idéologiques et culturelles déterminantes. Le contrôle des médias par l’argent, la dévalorisation de la culture et de la réflexion au profit de l’ « action », le dénigrement du collectif par rapport à l’individu, la disqualification de toute théorie critique, la remise en cause de l’arbitrage politique et de sa légitimité, sont quelques aspects des processus qui mènent les populations à accepter la fatalité de la « mise en concurrence ». La voie est alors ouverte à la perte des identités sociales, au « chacun pour soi », ce qui permet d’opposer artificiellement les classes populaires et moyennes entre elles et en leur sein.

 

La gauche sociale-démocrate n’est pas exempte de responsabilités, ni en France, ni ailleurs. La création de gauches « modernes », valorisant le sociétal (dans un sens laxiste ou autoritaire, peu importe) pour ne plus rien dire du social, justifiant la remise en cause des services publics au nom des rentabilités à court terme, théorisant l’inéluctabilité de la fragmentation de la société ou transformant la construction européenne en dogme utilisé comme idéologie de remplacement, a été le signe de cet affaiblissement. Petit à petit s’est ainsi imposé un modèle ne visant plus à construire démocratiquement et progressivement un rapport de forces plus favorable au travail mais à adoucir et à humaniser une domination capitaliste toujours plus réelle mais qui disparaît dans le firmament des « contraintes ».

 

La gauche est en crise, d’abord parce qu’elle est persuadée de la validité des axiomes de l’adversaire.

 

La gauche est aujourd’hui vaincue car elle ne sait plus pour quoi et pour qui elle travaille, car elle n’a pas encore conçu un ensemble de politiques et de solutions pour atteindre ses objectifs dans un contexte hostile à leur réalisation même ! La vieille opposition entre gauche de « l’idéal » et gauche du « réel » n’est plus d’actualité. Le socialisme ne serait pas capable aujourd’hui de décrire l’utopie qu’il sert ni même de convaincre qu’il peut améliorer de façon décisive le réel. De ce point de vue, nous sommes dans le « perdant-perdant ! »

 

Il faut donc reconstruire.

 

Partout, les appels solennels à la refondation de la gauche se multiplient. On somme celle-ci de se moderniser et on s’inquiète que sa composante socialiste soit si réfractaire à une mutation opérée par toute la social-démocratie européenne. On moque son archaïsme. On raille ses querelles. Les rénovateurs de tous poils s’organisent. Pour aller où ?

 

Vers la modernité clament certains. Modernité qui tient grosso modo en deux objectifs, l’un doctrinal qui sans renoncer à l’ambition de justice sociale réclame la conversion urgente aux principes économiques libéraux, l’autre structurel qui appelle une adaptation impérative de la gauche aux institutions de la cinquième république par la présidentialisation de sa principale formation – le parti socialiste – sous la férule d’un leadership fort.

 

Vers la radicalité assurent d’autres. Radicalité qui s’identifie sur le plan doctrinal à la rupture avec la construction européenne et la mondialisation, et sur le plan structurel à l’émergence d’une force antilibérale concurrente d’un parti socialiste réduit à sa composante sociale libérale.

 

Chacune de ces voies est une impasse. Nous voulons forger un alliage plus sûr et plus exigeant, soustrait aux contingences du calendrier politique immédiat.

 

D’un certain point de vue, la victoire de Nicolas Sarkozy est riche d’enseignements. Qu’a-t-il fait d’autre que d’assumer la reconstruction idéologique de la Droite et d’en finir avec un « recentrage » lénifiant pour assumer sans complexe ses valeurs et ses thèmes ? Il a voulu gagner culturellement la bataille politique pour vaincre électoralement. Ainsi, il a pu s’assurer un soutien inconditionnel de l’électorat traditionnel de droite, pour aller construire une majorité ailleurs : à l’extrême droite, au centre et même à gauche. Doit-on se satisfaire que ce soient la France du Nord et de l’Est qui plébiscitent Sarkozy, c’est-à-dire la France des grandes industries sinistrées, des vastes banlieues dégradées, des campagnes inquiètes ?

 

L’urgence, c’est donc le réarmement théorique et pratique de la gauche, c’est d’organiser sa contre-offensive culturelle et organisationnelle. C’est toute la gauche qu’il faut reconstruire en brisant les anciennes frontières, une gauche sûre de ses valeurs et de son projet.

 

Tels sont les objectifs que nous nous assignons. Nous sommes issus des mondes universitaire, syndical, intellectuel, économique, administratif ou politique, nous appartenons à la gauche. Nos engagements ont trouvé de trop rares occasions de se croiser, de s’enrichir et de vaincre ensemble depuis longtemps. Beaucoup d’entre nous n’ont pas quarante ans. Nous avons observé dans nos disciplines et nos trajectoires la résistance de ce « plafond de verre » qui empêche le renouvellement des analyses et la régénération de la pensée à gauche.

 

Nous ne supportons plus de voir les batailles politiques perdues les unes après les autres, contraints de rester l’arme au pied faute d’être mobilisés. Nous jugeons que la gauche doit interroger, pour mieux les ordonner au regard des besoins des temps présents et à venir, les missions et les moyens de tous les lieux de l’action politique (l’Union européenne, l’Etat, les collectivités locales), de tous les pouvoirs devant concourir à l’idéal démocratique et à la défense des libertés (le Parlement, la justice, la presse d’information) et de tous les leviers de la transformation et de la cohésion sociales (le service public, l’entreprise, la sécurité sociale, l’éducation, la fiscalité, la formation, le syndicalisme…).

 

Le XXIème siècle a besoin de solidarité, de justice, de progrès social. Ces valeurs ne sont ni le produit nostalgique de vieilles théories, ni le simple outil sémantique d’une gauche qui aurait renoncé. Elles sont le fondement de notre engagement et de notre volonté de réflexion et d’action. Aujourd’hui, l’évidence est que nous manquent les outils et les concepts qui nous permettront de les répandre, de convaincre et, demain, de l’emporter.

 

Nous voulons élaborer un nouvel intellectuel collectif. Aujourd’hui, nous créons « La Forge ». « La Forge » ne sera pas une société savante supplémentaire. « La Forge » sera une ressource et un arsenal mis au service d’un camp, la gauche. Notre ambition est la victoire de celle-ci en 2012 par la reconquête des esprits et l’affirmation de nouveaux modèles culturels.

 

• Nous penserons le changement de la société autant à partir de la réflexion des chercheurs, des universitaires, des experts et hauts fonctionnaires qu’au travers de l’expérience des praticiens, syndicalistes et acteurs sociaux ; nous proposerons des analyses et leurs débouchés concrets sous forme de traductions politiques opérationnelles.

• Nous ne croyons plus aux diagnostics intangibles, c’est pourquoi nous créons un lieu sans soumission à l’égard d’une famille ou d’une personnalité de la gauche.

• Nous refusons la dichotomie stérilisante qui s’est installée entre une gauche seulement protestataire et une gauche de gouvernement qui déçoit. Nous voulons créer un espace où se rencontrent toutes les familles de la gauche, un espace où les traditions de la discussion, de la confrontation, de l’examen scientifique des faits reprennent leurs droits.

• Nous nous donnerons les moyens d’un lobbying efficace auprès de l’opinion, des responsables politiques, de la société civile, des entreprises, les outils d’une diffusion la plus large possible de nos propositions et d’une communication adaptée à la nouvelle société de l’information.

 

Nous avancerons, avec l’ambition d’être utiles, sans bride, idée reçue ou anathème, en nous donnant les moyens de recueillir les héritages sans les vitrifier, tout en contribuant à bâtir, avec tous ceux qui le voudront, des corpus et des systèmes nouveaux. Car c’est à cette condition seulement que pourra naître la gauche de demain, une gauche qu’il est plus que temps de réinventer.

 

Dès maintenant, « La Forge » est au travail.

 

http://la-forge.info/site/

Publié dans NPS

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