déportation et Hommage

Publié le par Marie-José RAYMOND-ROSSI

Hommage aux enfants juifs morts en déportation Lycée jean Lurçat – rue Patay - 13ème arrondissement de Paris
L’émotion qui nous étreint aujourd’hui n’est au fond que le pâle reflet de la colère qui nous anime encore, cinquante après ce qu’ont eu à connaître et à endurer les enfants juifs dont nous célébrons la mémoire. Pourtant, et quel que soit le caractère finalement assez impuissant de notre rassemblement, il est juste, et important, que nous suspendions le temps chaud de l’actualité quotidienne, et que nous gardions en mémoire, non seulement les souffrances de ces enfants, mais celles de tout un peuple, qui eut à connaître une entreprise d’extermination planifiée comme aucun autre peuple au monde ne l’avait connu.
 
La fierté naturelle que j’éprouve aujourd’hui à représenter le Président Jean-Paul Huchon se double donc d’une volonté de ne jamais oublier, mais plus encore de participer à l’immense effort de transmission que nous devons faire. Car notre époque va vite. Et si le nombre de commémorations à caractère historique se multiplient de part et d’autre, notre capacité à nous retourner et à regarder d’où nous venons semble parfois s’amenuiser. Ce n’est là qu’un paradoxe apparent, en ces temps incertains où les mémoires tendent à se comparer, à se confronter, quand elles devraient au contraire s’écouter et se considérer mutuellement.
 
 
On dit souvent que le présent n’est que le produit de l’histoire. Cela est vrai, bien sûr. Et si nous devons en effet tirer tous les enseignements possibles du passé afin de mieux instruire notre présent, je crois pourtant que nous devons tout autant être capables, par éthique et par respect de ce que vécurent ceux qui nous ont précédés, de considérer simplement le passé pour ce qu’il fut. Nous devons faire un vigoureux effort pour tâcher de ne penser qu’à eux, qu’à ces enfants d’une autre époque, victimes de l’intolérance, de l’idéologie, de la barbarie. En ne pensant aujourd’hui qu’à eux, non seulement nous leur rendons hommage, mais nous nous donnons les meilleurs moyens qui soient afin de préserver notre civilisation, pour aujourd'hui et pour demain.
 
La résurgence, sur l’ensemble de la planète, de ce que l’idéologie des hommes a pu produire de plus abject et de plus infâme, nous oblige à un triple devoir.
 
Un devoir de mémoire, tout d’abord ; et nous le remplissons aujourd’hui, avec la ferveur qui convient.
 
Un devoir de lucidité, ensuite : lucidité quant à nos possibilités réelles de maîtriser un tant soit peu notre destin. Nous pouvons faire beaucoup, collectivement ; mais nous pouvons faire aussi beaucoup de mal. Ne nous défaisons jamais de l’idée qu’en nous-mêmes sommeillent toujours le meilleur et le pire.
 
Enfin, un devoir pour l’avenir, pour nos enfants parfois déroutés, déconcertés, perdus dans un monde où la haine de l’autre s’entrechoque avec la volonté de puissance et l’intolérance. Sans le savoir, les enfants juifs disparus que nous célébrons aujourd’hui sont morts pour nous, et pour nos propres enfants. Morts d’avoir rencontré la folie des hommes. Et rien, aujourd’hui, ne nous garantit que cette folie est derrière nous. C’est pourquoi l’éducation, la transmission des valeurs, des cultures, des histoires, des souffrances, doivent demeurer nos priorités.
 
Quels que soient nos préférences politiques, nos parcours spirituels et notre vision du monde, nous devons avoir à cœur de ne jamais oublier d’où nous venons, au nom de quoi d’autres sont morts ; ne jamais oublier enfin l’immense fragilité de notre civilisation, afin que les enfants devant lesquels nous nous inclinons aujourd’hui puissent continuer à vivre en nos mémoires.
 
Je vous remercie.
 

Publié dans conseil regional

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